Une pandémie. En France nous l’avons parfois imaginée avec horreur après avoir regardé un film comme « Alerte » (1995) ou « Contagion » (2011), puis, à moins d’être chercheurs en épidémiologie ou visionnaires comme Bill Gates, nous avons continué à vivre nos vies et la crainte est passée à l’arrière-plan.
Pourtant, le monde a connu de nombreuses épidémies au cours du siècle passé : la grippe espagnole, la grippe asiatique, la grippe de Hong Kong, le SRAS, le H1N1, la méningite bactérienne et Ébola ont provoqué plus de 45 millions de morts, sans parler du VIH qui depuis 1983 a fait une quarantaine de millions de victimes. A plus long terme, la variole et la rougeole ont provoqué un demi-milliard de morts. La peste noire, quant à elle, a tué entre 75 et 200 millions de personnes au 14ème siècle en l’espace de quelques années.
Ce qui est différent avec le Covid-19, c’est que les populations sont plus connectées et interdépendantes que jamais dans l’histoire de l’humanité. Cela veut dire qu’à moins de fermer les frontières et d’empêcher la libre circulation des personnes et des biens, il est impossible de freiner la propagation d’un tel virus à travers le monde entier. La crise prend une ampleur inhabituelle dès lors où le virus est partout et qu’une majorité des cas ne présente pas de symptômes. Les porteurs ne sont pas identifiés et transmettent le virus sans le savoir. Une période d’incubation pouvant durer 14 jours et parfois plus, rend encore plus difficile la tâche du dépistage et de la mise en isolation des patients.
Ce virus est donc l’exemple par excellence d’une crise majeure. Son apparition est un changement non souhaité pour des milliards de personnes, provoquant une peur existentielle en raison de la menace qu’il représente. L’activité économique chute et des entreprises ferment, le système de santé est dépassé et le personnel soignant exténué ou à son tour malade, la population doit limiter ses mouvements et abandonner un certain nombre de libertés. C’est dans ce type de situation que les personnes ont besoin plus que jamais de se sentir à la fois protégées et menées par des dirigeants fiables. Cette attente est celle d’une population de son gouvernement, mais aussi celle d’une équipe vis-à-vis de son chef. Toute organisation ou entreprise, indépendamment de sa structure hiérarchique, doit pouvoir se rallier autour de ceux et celles qui vont donner le cap.
Dans une hiérarchie formalisée comme celle d’un gouvernement ou d’une entreprise dite pyramidale, la crise met en avant celui ou celle qui a été désigné au préalable. C’est pour ainsi dire une loterie, car nul ne sait si la personne qui dirige est réellement compétente pour cette urgence inattendue avant qu’elle ne se produise. C’est pile ou face. Si le dirigeant s’avère être l’homme ou la femme de la situation, ce type de structure va bien fonctionner car le lieu de l’autorité est clairement identifié et non-négociable. On suit le chef sans le contester et la mise en œuvre des mesures est rapide et efficace. En revanche, si la personne aux commandes est défaillante, c’est le chaos et rien ne va plus.
Dans le cas d’une structure plus souple avec un certain niveau d’auto-gouvernance et un leadership qui se veut « situationnel », si tout va bien les bonnes compétences peuvent s’exprimer au moment où elles sont nécessaires. Chacun joue un rôle clé à un moment déterminé, selon ce qui est demandé au fil de la progression de la situation de crise. Ceci est possible à condition qu’un niveau de confiance puisse exister rapidement et qu’il y ait une bonne alternance entre l’imagination et le sens pratique. En d’autres termes, la diversité et la complémentarité au sein de l’équipe vont être déterminants. Si tout le monde est un excellent technicien, mais que personne n’arrive à prendre le recul nécessaire pour se projeter dans l’avenir, l’efficacité sera limitée. Il en va de même pour la situation inverse.
Il n’est pas forcément nécessaire que les personnes dans l’équipe se connaissent depuis longtemps ou qu’elles aient déjà travaillé ensemble. Bien que ce cas de figure soit toujours préférable, une équipe créée spontanément pour l’occasion peut aussi s’avérer redoutablement performante. Il faut néanmoins qu’il règne en son sein un esprit de créativité et de curiosité, combiné à une forte capacité de persévérance et de résilience.
Dans le contexte du Covid-19, chaque organisation doit faire un inventaire rapide de l’adéquation entre son leadership et la nature de la crise. Il est indispensable de le faire vite et efficacement, car avec une pandémie il s’agit d’une course contre la montre. On voit le contraste saisissant entre les pays qui ont rapidement pris les bonnes mesures au début de l’épidémie du coronavirus, et ceux qui étaient dans le déni ou qui se sont hissés tardivement à la hauteur du défi. C’est une question de vie ou de mort !
Il peut être utile et même indispensable pour une équipe qui doute, de se faire accompagner par un coach de crise, une personne qui a l’expérience des situations tendues et dont l’intelligence émotionnelle est à l’épreuve du stress que génère une crise majeure. Le coach de crise dispose d’outils issus de la gestion de conflit, combinés à son expérience dans l’accompagnement de personnes et d’équipes traversant des épreuves extrêmes. Le défi pour l’équipe est de créer un climat de confiance, de faire un point honnête sur les capacités de son leadership et de prendre rapidement des mesures correctives.
Il ne s’agit pas forcément de remplacer le dirigeant, mais de créer les conditions pour que le leadership puisse s’exercer efficacement. Ceci demande du pragmatisme et de la rapidité dans la prise de décisions. Le coaching de crise peut se faire à distance en visioconférence ou à l’aide d’outils de réunions à distance tels que Zoom ou Whereby.
Photo Gerd Altmann
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